EPFL Pays Basque : La contribution d’un acteur foncier du quotidien

A la demande de News Tank Cities, l’EPFL Pays Basque fait part de ses réflexions.


Les temps du foncier

Créé en Décembre 2005, l’EPFL Pays Basque dispose aujourd’hui de suffisamment de pratique foncière, exercée qui plus est sur un territoire fortement contraint par son attractivité, pour proposer une analyse circonstanciée du contexte foncier et de son évolution au regard de la question centrale du logement.

Si les derniers entretiens d’Inxauseta à Bunus (64) en 2022 ont placé la question du logement sous le signe de l’urgence, il nous faut faire un parallèle avec la question foncière pour laquelle il est au contraire urgent de prendre le temps, ou plutôt de prendre « les temps » de l’action foncière.

En effet, la réponse foncière à court terme à laquelle l’EPFL est souvent condamné n’est que trop rarement efficace et très peu régulatrice des marchés immobiliers et fonciers locaux.

L’exemple des secteurs de mixité sociale est à ce titre révélateur d’une disposition réglementaire qui à court terme a favorisé la production de logements sociaux mais qui à plus long terme a également largement contribué à l’inflation foncière, en conduisant les opérateurs privés à répondre aux exigences croissantes des propriétaires fonciers et à commercialiser leurs programmes de logements à des niveaux de coûts toujours plus élevés.

Cette disposition a ainsi participé aux blocages d’aujourd’hui qui opposent à la plupart des opérateurs publics et privés une réalité foncière devenue incompatible avec la production de logements adaptés aux besoins et aux moyens du territoire.

Par ailleurs, dans la perspective vertueuse de la sobriété foncière et plus dogmatique du Zéro Artificialisation Nette (ZAN), le contexte foncier devrait rapidement se dégrader

et rendre plus complexe encore la tâche des collectivités locales désirant faire durablement valoir l’intérêt général en permettant au plus grand nombre d’accéder au logement.

De fait, dans un contexte de raréfaction foncière programmée et donc de concurrence exacerbée, l’anticipation constitue la seule arme permettant à l’action publique de répondre aux besoins des futures générations.

Les stratégies foncières de moyen terme, comme la mise en place d’outils pré-opérationnels de type Zones d’Aménagement Différé (ZAD) ou de plus long terme comme la constitution de stocks publics sont donc indispensables.

Mais malheureusement confronté au temps politique qui est devenu celui de la production immédiate de résultats, le travail d’anticipation a perdu progressivement de sa consistance.

Ainsi, malgré certaines démarches prospectives qui œuvrent à la construction de visions de territoires à long terme, les politiques publiques ne laissent que peu de place à des dispositions dont le « retour sur investissement » ne pourra s’apprécier que dans 20 ou 25 ans.

Les stocks fonciers de long terme, qui ont fait la force des collectivités souvent citées en exemple, ne sont aujourd’hui plus constitués et semblent par ailleurs condamnés par la perspective du Zéro Artificialisation Nette et de la « fermeture » des documents d’urbanisme qui en sera la conséquence.

Mais cette condamnation n’est-elle pas celle des futures générations qui n’auront pas d’autres choix que d’habiter différemment ?


Quelques leviers de réflexion pour favoriser un meilleur accès au logement

A la lumière du développement récent des Organismes Fonciers Solidaires (OFS) et des Baux Réels Solidaires qui se multiplient, il apparait que le rapport culturel à la propriété peut changer et il convient désormais d’imaginer les dispositifs réglementaires qui permettront de conforter cette dynamique porteuse d’optimisme.

La dissociation de la propriété foncière de la propriété bâtie, ou la répartition de droits réels entre propriétaires institutionnels et privés est à explorer plus profondément car seule à même de répondre rapidement à l’équation posée.

Dans la même logique, la fiscalisation de la propriété foncière est à reconsidérer car elle n’est pas ou plus à la hauteur des enjeux sociétaux d’accès au logement. L’enrichissement « sans cause » de certains propriétaires, bénéficiant unilatéralement de modifications de règles de constructibilité sans en supporter la contrepartie qui pourrait en être attendue, mérite d’être interrogé.

Un autre angle d’attaque institutionnel est celui du cout désormais exorbitant des travaux de réhabilitation qui, non seulement, est pleinement percuté par le contexte de crise économique mondiale mais qui subit également l’accumulation de contraintes normatives. Là où il faudrait de l’intelligence de projet et de l’adaptation situationnelle, la norme vient couper court à toute forme d’initiative.

Et le principe même de pouvoir disposer le cas échéant d’un « Permis d’expérimenter » porte sémantiquement ses propres limites car forcément dérogatoire et donc exceptionnel.

Partant, il apparait injuste d’assister d’un coté à l’extrême liberté d’action dont jouissent les propriétaires privés, toujours plus à même de contester les politiques publiques jugées confiscatoires, et d’un autre côté de voir la sphère des acteurs de la production de logements accessibles, au premier rang desquelles les collectivités locales, glisser inexorablement vers le fonds d’un entonnoir règlementaire de plus en plus étroit.

Redevables devant leurs habitants, les collectivités locales placées devant l’obligation de résultats souffrent d’une paupérisation croissante liée à la diminution de leurs moyens d’intervention et à leur perte d’autonomie de décision, et donc d’adaptation aux problématiques territoriales.

Il convient donc de remettre les moyens de décisions, réglementaires et financiers, à disposition des acteurs locaux chargés de rétablir les équilibres des territoires aujourd’hui menacés.