Congrès des maires 2017 : les collectivités locales cherchent à renforcer leurs actions de maîtrise foncière.

Un article de la revue Localtis (Caisse des Dépôts et Consignations) qui traite de l’atelier du 22 novembre dernier organisé lors du Congrès des maires. Ont été abordées les questions de requalification des centres villes, de gestion du foncier en zone tendue, de reconquête de friches polluées, la problématique des espaces littoraux et ruraux, le rôle des EPFL…

Reconquête de centre-ville : un fort besoin d’ingénierie

Frédéric Chéreau, maire de Douai et vice-président de la communauté d’agglomération du Douaisis, a témoigné de l’expérience menée par sa commune pour reconquérir son centre-ville. Le taux de vacance s’élève à plus de 20% pour les logements et à 10% pour les commerces. La ville a d’abord lancé une opération de recensement de ce patrimoine en se concentrant sur quinze rues et en informant les propriétaires sur les aides dont ils pouvaient bénéficier. Certains immeubles ont fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique (DUP). « Avec la communauté d’agglomération, nous avons acheté des immeubles de commerces et de logements dès lors qu’il y avait une entrée séparée pour les logements, a expliqué l’élu. L’agglo est intervenue sous forme d’un prêt à taux zéro sans délai pour financer à 50% la rénovation des immeubles et à 50% celle des locaux commerciaux.

Le poulier de l'anse de Lauberlac'hà Plougastel

Si l’immeuble est vendu, la ville et l’agglomération se partagent le produit de la vente. Sur la partie commerciale, la ville reverse la moitié des loyers à l’agglo. » « Nous menons aujourd’hui six opérations en maîtrise d’ouvrage mais nos services sont aujourd’hui à la limite pour prendre en charge les opérations sereinement, a-t-il reconnu. A l’avenir, nous allons devoir disposer d’outils spécifiques pour porter ce type d’opération. Nous avons notamment besoin d’ingénierie forte et dédiée, surtout si nous allons jusqu’à des procédures de déclarations d’utilité publique pour traiter des bâtiments dégradés. » Autre point mis en avant par le maire de Douai, dont la ville compte près de 40% de logements sociaux : pouvoir plus facilement faire de la rénovation lourde de centre-ville sans donner la priorité au logement social. « Aujourd’hui, les outils de l’Anah, qui ciblent les propriétaires occupants modestes et non les bailleurs, ne sont pas adaptés », estime-t-il.

Un outil antispéculatif à Lille

Une autre élue nordiste, Audrey Linkenheld, a relaté l’expérience de Lille dont elle est conseillère municipale déléguée au plan local de l’habitat. Avec la métropole, la ville a créé un organisme foncier solidaire, doté du statut d’association loi 1901, dans l’optique de retenir des ménages avec enfants qui, confrontés au coût élevé du foncier, avaient tendance à partir en périphérie pour acquérir leur logement.

L’organisme a déjà acquis deux terrains dont il va garder la propriété. Il va passer un bail réel solidaire avec un promoteur qui réalisera une vente en l’état futur d’achèvement auprès de particuliers, les acquéreurs louant le foncier au prix de 1 euro/ m2/ mois. « Ils pourront à l’avenir revendre leur bien à des ménages qui remplissent les mêmes conditions qu’eux, le transmettre à leurs héritiers, l’hypothéquer, etc., a expliqué Audrey Linkenheld. L’essentiel est que chaque acquéreur dans le futur ressemble au précédent. Cela permet d’éviter la spéculation et d’assurer une certaine pérennité pour accéder à la propriété dans l’hypercentre de Lille. »

Terrains pollués : des opérations de longue haleine

Autre problématique courante, à laquelle Lille et de nombreuses collectivités en France sont confrontées : celle des terrains pollués. « A Decazeville, nous avons été confrontés à la dépollution d’une zone sidérurgique de 19 hectares en cœur de ville, a relaté Jean-Louis Denoit, maire de Viviez (12) et vice-président de Decazeville Communauté. Nous avons pu ainsi récupérer du foncier après dépollution mais le chantier a été mené de façon complète sur dix ans et a coûté 4 millions d’euros. L’Ademe nous a versé une subvention de 2,5 millions d’euros. Ce qui coûte le plus cher dans ce type d’opération, c’est la gestion des sols pollués. C’est aussi une sérieuse difficulté pour les petites collectivités qui ont peu de services techniques. »

Limites de la loi Littoral

La question de la maîtrise foncière est aussi de plus difficile à appréhender dans les territoires soumis à des contraintes environnementales et urbanistiques particulières comme les espaces littoraux. Dominique Cap, maire de Plougastel (29) et président de l’association des maires du Finistère, a rappelé les difficultés liées à la loi Littoral.

« Quand on évoque ses contraintes, tout le monde est persuadé qu’elle s’applique principalement sur la bande des 100 mètres mais ce n’est pas le sujet, tout le territoire communal est touché, a-t-il pointé. Il y a trois types de zones sur lesquelles nous pouvons travailler sur le foncier – l’agglomération, les villages et les hameaux – mais le plus compliqué est de travailler sur ces derniers car en fonction de la jurisprudence, on change les règles.

Sur le bâti ancien, par exemple, le hameau n’a plus d’existence légale alors que nous avons dans nos territoires à prévoir des changements de destination pour le vieux bâti rural, qui pourrait par exemple être transformé en gîte et éviterait ainsi de consommer du foncier agricole. » Outre cette question du bâti ancien, la bonne stratégie foncière à mener dans ces territoires littoraux consiste selon lui à affecter les espaces les plus proches du rivage aux activités liées à la mer et « à être intransigeants là-dessus ». « Nous devons aussi bien délimiter les zones urbaines dans les Scot car si on rate cette marche, on rate celle du PLU derrière », a-t-il insisté. « Il faut aussi prévoir un budget d’acquisitions foncières pour saisir des opportunités, constituer des réserves foncières et avoir une politique de rénovation urbaine ambitieuse, surtout dans les espaces proches du littoral. »

Soutien des établissements publics fonciers

La question du rôle des établissements publics (EPF) pour soutenir les collectivités dans leur politique foncière a aussi été évoquée à plusieurs reprises. A côté des 10 EPF d’Etat, qui couvrent aujourd’hui 42 millions d’habitants, nombre d’élus émettent le souhait de disposer d’EPF locaux. « Il y a encore des territoires orphelins : il ne faut pas entraver les acteurs locaux qui veulent se constituer en EPF locaux », a souligné Philippe Alpy, maire de Fresne (25), président de l’EPFL de Bourgogne-Franche-Comté et vice-président de l’Association nationale des établissements publics fonciers locaux. Pour lui, la gouvernance locale de ces structures d’accompagnement des maires est fondamentale. « Chaque EPFL choisit ses modalités mais ce qui intéressant à travers la taxe spéciale d’équipement, dont le montant et le niveau sont choisis par les élus locaux, c’est que chacun met au pot de façon solidaire, qu’il s’agisse de petites communes rurales, d’agglomération ou de communautés urbaines. Nous avons tous besoin d’avoir un outil de portage sur le temps long pour faire vivre le foncier dans l’attente de sa destination. »