Ardèche – Biens vacants et sans maître : saisir l’opportunité de biens oubliés

Elu depuis 12 ans au Conseil municipal de Thueyts en Ardèche, dont 8 ans en tant que Adjoint aux affaires générales, Gérard Brouillard a mené plusieurs procédures visant à récupérer des biens vacants et sans maître. Cet outil a permis à la commune de devenir propriétaire gratuitement de près de 40 ha et de contribuer à de nombreux projets.

 Un article paru le 11 mai 2020 sur le site internet Le BLOG du FONCIER.

Les biens vacants et sans maître : de quoi s’agit-il ?  

C’est un constat qui amène la collectivité à déclarer un bien « présumé sans maître », soit parce qu’il est en état d’abandon/ non entretenu ou parce que les impôts fonciers ne sont plus acquittés depuis plus de 3 ans. La collectivité engage alors une recherche à partir de l’identité du titulaire. L’enquête permet de savoir si la personne est décédée depuis plus de 30 ans sans ayant-droit (en référence à l’article 713 du code civil). A partir de là, le maire (ou président de l’EPCI) fait voter en conseil l’autorisation d’intégrer les biens dans le domaine privé de la collectivité. La mairie rédige un acte administratif qui est ensuite validé par le service de la publicité foncière (SPF). La commune devient pleinement propriétaire à réception de l’accusé de réception du SPF. C’est un outil très intéressant car il ne nécessite aucune dépense publique ni aucune négociation foncière.

Comment en êtes-vous venus à mobiliser cette procédure ?

Lors de l’aménagement d’un jardin public en 2012, la recherche sur une parcelle de 120m² a révélé que le propriétaire n’avait pas de date de naissance figurant sur le cadastre. Après enquête auprès des anciens du village ainsi qu’au cimetière, il ressortait que la personne était décédée en 1968 sans successeur. Nous étions donc dans le cas d’un bien sans maître. Un contact au sein du SPF (ex-service des hypothèques) a permis de construire un modèle de délibération pour procéder à l’incorporation du bien. La parcelle a donc pu être mobilisée pour créer le jardin public.

Suite à cette expérience, nous avons eu l’occasion de recourir à cette procédure à plusieurs reprises en 2014, 2016 et fin 2019. A chaque fois, des recherches sur le cadastre ont permis d’identifier des noms qui revenaient souvent et pour lesquels nous avons constaté que les propriétaires étaient décédés depuis plus de 30 ans et sans héritiers.

Comment expliquez-vous cette situation ?

L’Ardèche, comme de nombreux territoires ruraux, a connu un exode rural important au début du 20e siècle. Lors des successions, les ayants-droits ont pu oublier de mentionner certaines parcelles dont ils n’avaient pas connaissance aux notaires. Par exemple, certaines maisons ont pu être vendues sans les terrains. Enfin, certaines personnes n’ont tout simplement pas eu de descendants ou ont changé de noms suite à des mariages et les biens, souvent de petites surfaces, ont été oubliés.

 

 

Sur les dernières procédures que vous avez menées, les parcelles récupérées ont pu servir à chaque fois à des projets publics ?

Pas seulement, nous sommes aussi intervenus sur les tènements pour des particuliers. L’idée était vraiment de mobiliser des terrains qui ne servaient plus à personne afin de favoriser des projets publics ou privés : aménagement de zone de collectes des ordures ménagères, désenclavement de parcelles, relance de la châtaigneraie, agrandissement de la carrière de Pouzzolane.

Au total, ce sont près de 40ha sur plus d’une centaine de parcelles qui ont pu être mobilisés par cette procédure. Beaucoup de tènements ont été revendus à des particuliers afin de désenclaver leur parcelle, d’en faciliter l’accès ou encore d’agrandir leurs propriétés. Ces reventes de petites surfaces ont rapporté près de 17 000 euros à la commune.

Enfin, nous sommes actuellement en cours d’une procédure qui comprend des Biens Non Délimités (BND) c’est-à-dire des biens comprenant plusieurs propriétaires ayant des droits non indivis, chacun disposant de son lot et de sa surface sans pouvoir en connaître la limite physique. La commune a intégré les parties qui appartenaient à des personnes décédées relevant de l’article 713 du code civil.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres élus qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure ?

Même si la procédure d’incorporation reste simple d’un point de vue administratif, un investissement personnel est nécessaire pour mener les enquêtes sur les anciens propriétaires. Pour trouver une piste, il faut compter de nombreuses heures de recherche aux archives, au cadastre, auprès des anciens de la commune, … et un bon coup de chance. Ce type d’outils fonciers permet néanmoins d’avoir une utilisation rationnelle des biens du territoire, à moindres frais, et de s’assurer ainsi d’une gestion saine de la collectivité et de relancer l’activité agricole et fruitière (châtaignes).