Zéro Artificialisation Nette : Réactions d’élus

Un article du 15 novembre 2022 paru sur sur le site www.courrierdesmaires.fr qui met en exergue les difficultés de mise en œuvre mais aussi les bonnes pratiques à mettre en œuvre.

Tic-tac, tic-tac… Pour les élus, le compte à rebours a démarré le 22  août 2021, avec la prise d’effet de la loi « climat et résilience ». Parmi les 305 articles de ce texte, trois lettres, promises à bouleverser les stratégies foncières des collectivités, pour les décennies à venir : ZAN ou Zéro artificialisation nette. Autrement dit, l’objectif de ne plus artificialiser de sols sans compenser et renaturer par ailleurs. Et ce, à partir de 2050.

Pour y parvenir, le législateur a défini une trajectoire. En plusieurs actes. D’abord, réduire de moitié la consommation d’espaces naturels et ­forestiers (Enaf) entre 2021 et 2031 par rapport à la période 2011-2021. Puis, poursuivre la diminution, au cours des dix années suivantes, pour parvenir au ZAN entre  2041 et  2051. Soit une « véritable révolution de l’aménagement du territoire », selon les mots de Michel Heinrich, président de la Fédération nationale des schémas de cohérence territoriale (Scot). Aux antipodes en effet, de la culture du maire bâtisseur…

Rareté organisée. Ancien édile d’Angers nommé ministre de la Transition énergétique le 4 juillet, Christophe Béchu a « pris le dossier ZAN en chemin », comme il dit. Et de constater : « En termes de consommation de foncier, nous ne pouvons plus continuer à ce rythme. » Entre  2011 et  2021, la France a consommé 243 136 hectares d’Enaf. Soit une moyenne de 24 136 ha par an, dont les deux tiers sont destinés à l’habitat. Une tendance plutôt à la baisse, de 33 % par rapport au début des années 2010, pour une proportion de sols artificialisés estimée à 9 %. Mais elle augmente en moyenne de 1,6 % par an depuis 1982, principalement au détriment des terres agricoles qui perdent chaque année de 0,3 % de leur surface. « Cette artificialisation a des conséquences, reprend le ministre. Nous imperméabilisons, donc nous empêchons la recharge des nappes phréatiques, ce qui accentue les difficultés en cas de sécheresse. Nous nous privons d’espaces agricoles et naturels qui participent au captage de carbone et à cette stratégie de lutte contre le réchauffement climatique. »

Pas de SAV. Les élus partagent ces objectifs environnementaux liés au ZAN, à en croire la consultation en ligne du Sénat. « Il s’agit de la décision écologique la plus impactante de ces vingt dernières années », illustre Franck Leroy, maire (DVD) d’Épernay (Marne, 22 433 hab.), premier vice-président de la région Grand Est en charge notamment du Sraddet. Cependant, au-delà de la trajectoire visée, le chemin proposé questionne autant qu’il inquiète. La loi pose en effet un sacré défi aux élus locaux, soucieux de leurs capacités de développement : « Il s’agit de répondre aux besoins démographiques, économiques, de mobilité et d’équipements avec moitié moins de foncier », résume Michel Heinrich.

« Et le problème, enchaîne Franck Leroy, c’est que nous n’avons pas eu de SAV de la part de l’Etat. De nombreux élus ont le sentiment qu’il leur tombe sur la tête un concept qu’ils ont du mal à appréhender. » Maire (Agir) de Vesoul (Haute-Saône, 14 914 hab.), Alain Chrétien abonde « Un travail énorme de prise de conscience de tous ces sujets est à conduire. Car, qui dit désintérêt dit aussi incompréhension, voire opposition. » Une référence directe à la publication, le 29 avril 2022, de deux décrets tellement décriés qu’ils font l’objet d’un recours de l’Association des maires de France (AMF) devant le Conseil d’Etat.

L’un porte sur la nomenclature des sols artificialisés, c’est-à-dire la typologie de sols considérés comme artificialisés ou non (voir encadré). L’autre, sur les modalités d’inscription du ZAN dans les Sraddet. Avec, en toile de fond, l’enjeu de territorialisation de la trajectoire de 50 % qui ne devrait pas s’appliquer de façon uniforme afin, notamment, de ne pas pénaliser les territoires vertueux depuis plusieurs années.

La bataille des 50 %. Cette épineuse question est abordée dans le cadre des conférences des Scot, constituées dans chaque région. Réunies tout au long de l’année 2022, elles ont remis leurs propositions aux conseils régionaux, le 22 octobre. Non sans difficultés, parfois. « Nous tournons en rond. Chacun, en ville ou à la campagne, veut avoir davantage que les – 50 % », confiait fin septembre, Bernard Morilleau, maire (SE) de Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique, 6 980 hab.) et président du Scot du pays de Retz.

Le ministre prévient : « Faute d’accord, la région aura jusqu’au 22  février 2024 pour se positionner sur la répartition, dans le Sraddet. Et si elle ne vote pas, la règle des 50 % s’appliquera. » Ensuite, les Scot devront intégrer ces nouveaux objectifs régionaux avant le 22  février 2026. Quant aux PLU et autres cartes communales, ils bénéficieront d’un an supplémentaire.

D’ici là, les élus locaux devront être outillés pour déployer leurs stratégies de sobriété foncière et de reconstruction de la cité sur elle-même : acquérir des réserves foncières, conduire des projets de dépollution de friches, de renaturation, etc. Mais à ce stade, deux types d’accompagnement font défaut : technique (à travers l’ingénierie) et financier, lequel « constitue le grand oublié de cette réforme », glisse le sénateur (LR) du Vaucluse Jean-Baptiste Blanc, auteur d’un rapport d’information dédié en juin dernier. Sans compter que « les finances publiques locales ne reconnaissent pas la valeur pécuniaire d’un sol qui serait protégé », glisse Stéphane Raffalli, maire (PS) de Ris-Orangis (Essonne, 29 745 hab.). Comme le conclut Michel Heinrich, « Abordons ce chantier comme une opportunité. L’objectif est jouable. Mais il faut le rendre jouable… » ­­